La fusion des villages de Qaryat Moussa et Kfarsghab

En 1519, le nombre de mâles résidant dans Qaryat Moussa s'est monté à 9 mâles, ce qui donne près de 60 habitants, quand la population de Kfarsghab était de 14 mâles et de 92 habitants (6). En 1571, le nombre d'habitants dans Qaryat Moussa a grimpé jusqu'à 79, et celui dans Kfarsghab a diminué à 79. En 1571, les deux villages sont donc devenus de même taille. La lutte entre Maronites et Jacobites était au plus fort pendant le seizième siècle. Etait-ce la cause de ces évolutions dans la taille de population ? Etant donné que le Synode pour renforcer la doctrine Maronite a été tenu en 1598 dans Qaryat Moussa, pourrions-nous supposer que ce dernier village était Maronite et que Kfarsghab était Jacobite ? Ou plutôt le contraire ?

Il est possible que des habitants du village de Qaryat Moussa étaient accusés d'être Jacobites dès la fin du 14ème siècle. L'Ermite Elisée de Hadath accusé par Gibrail Ibn Al Qalaii d'être Jacobite vécut en 1391 et a été instruit par Farah, le curé de Qaryat Moussa (7). Encore, en 1487, le prêtre jacobite Nouh de Bqoufa (le futur patriarche des Jacobites) attira à lui des jeunes maronites, notamment Moussa et Hanna fils de Ibrahim Ibn AlHajj Moussa de Bqoufa  et Moussa de Qaryat Moussa (8). Il est possible qu'à partir de 1495, avec la mort du Muqaddam (Chef) de Bcharri, Abdul Mouneem, protecteur des Jacobites, ces derniers aient commencé à perdre leur influence dans la région de Jebbet Bcharri. Il est possible que des Jacobites aient fui la région de Ehden, sans toutefois disparaître complètement, pour s'installer à Hadchit, Hardine et Kfarhaoura. En défense du Patriarche Mikhail Al Rizzi (1567- 1581) accusé d'être Jacobite de par son origine de Bqoufa, sans toutefois disparaître complètement, il est expliqué que la famille Al Rizzi habitait la partie haute de Bqoufa et que seulement la partie basse de ce village était habitée par des Jacobites (9) . Or le village de Qaryat Moussa se trouve précisément à la frontière de cette partie basse de Bqoufa; D’où l'hypothèse que Qaryat Moussa était habité par des Jacobites.

Dans tous les cas, l'histoire de cette période de lutte entre Maronites et Jacobites est très confuse. La confusion a été entretenue par les historiens maronites dans leurs tentatives de prouver la fidélité des maronites à Rome.   

Aujourd'hui, l'église de Mart Moura appartient au village de Kfarsghab. Elle a été rénovée dans les années 90. Elle est utilisée une fois par an le jour de Mart Moura le 24 septembre. Ce jour, tous les villageois participent à une messe, priant particulièrement pour le repos des âmes des gens de Kfarsghab enterrés dans le cimetière situé à côté de l'église.

Ce fait nous permet d'avancer que le Kfarsghab moderne résulte d'une fusion entre Kfarsghab et Qaryat Moussa.

Mais pourquoi Qaryat Moussa a-t-il disparu ? Est-ce par manque d'eau (ex un déplacement géologique normal de la source d'eau principale dans ce secteur de l’amont de Qaryat Moussa à son aval) ? Ou est-ce les circonstances politiques et économiques des abords immédiats après la disparition de l’important village voisin de Bqoufa en 1600 (10)?

Quand a-t-il disparu ? Nous pensons que le disparition de Qaryat Moussa a eu lieu à la même période que Bqoufa au début du dix-septième siècle.

La vie de Mart Moura

L'information suivante est basée sur le travail du grand historien le Père Louis Cheikho sj et surtout sur son document Awliya" Allah fi Lubnan édité à Beyrouth en 1914. Youakim Moubarac l'a traduit en français, en a enrichi le contenu et l'a publié dans Pentalogie Antiochienne / Domaine Maronite - Tome II - Volume I - 1984 - Editeur Cénacle Libanais - Beyrouth - Liban. 

" ... Cette sainte est vénérée à Mayfouq et dans la Gebbé de Bxarri. Il y a là un vieux couvent de moines dédié à son nom (11). D'autres sanctuaires lui sont consacrés à Bqoufa (12), Rax"îne et au pays de "Akkâr, selon le P. Ibrahim Harfouch, Maxreq V, 1902, pp. 894-995. Le calendrier maronite la mentionne au 10 octobre et au 25 septembre. Elle est également mentionnée le 3 et le 7 mai. Les Bollandistes ont retenu la date du 3 mai (AS, II, 381 ; cf. KUE, I, 151). 

Moura est une chrétienne de Haute Egypte mariée à un diacre appelé Tîmothée. Lorsque Dioclétien (13) arriva au pouvoir et voulut effacer toute trace du christianisme, le gouverneur Urbain appela Timothée et sa femme à embrasser le paganisme. Ils refusèrent avec courage, furent suspendus à une croix et moururent de mort lente aux alentours de 283. On dit encore que ce martyre a eu lieu sous Dèce (14). 

P.S. (de Youakim Moubarac) Notons à propos de Ste Moura que le savant auteur ne tient pas compte pour le dédoublement de certaines fêtes qu'il s'agit parfois d'une fête de printemps dédoublée après le 15 août, pour pouvoir servir la hrissé, une fois que les bêtes dédiées à cet effet ont engraissé et sont redescendues des "alpages". C'est le cas à Kfarçgâb pour Mart Moura fêtée; le 3 mai et le 25 sept. C'est également le cas de Mar Awtel célébré le 2 juin et, pour la hrissé, le 27 août. ... "