Youakim Moubarac - Un Homme d'Exception |
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Édition - « Youakim Moubarac, un homme d’exception », par Georges Corm |
10/29/2004 |
Youakim Moubarac, un
homme d’exception, textes choisis et présentés par Georges Corm,
aux éditions Librairie orientale, est l’un de ces ouvrages dont on
se demande, une fois qu’on les a entre les mains, comment ils
pouvaient ne pas exister. Volumineux, le livre s’impose d’emblée
comme un ouvrage de référence sur le père Youakim Moubarac
(1924-1995), un homme qui a sa place dans le panthéon des gloires
libanaises, au même titre que Khalil Gibran, Amine Rihani, Hassan
Saab ou Michel Chiha. Voilà certes un ouvrage qui fait honneur à
l’édition libanaise. « Youakim Moubarac est incontestablement l’une des personnalités culturelles libanaises du XXe siècle les plus remarquables et les plus attachantes, par l’envergure de ses connaissances réfléchies et maîtrisées qu’il met au service de l’insertion de son pays et de la région arabe, à laquelle appartient le Liban, dans une modernité intelligente et ouverte, débarrassée de ses nombreux fanatismes occidentaux et orientaux », écrit Georges Corm dans sa présentation. Originaire de Kfarzghab ( Liban-Nord), ordonné prêtre en 1947, le père Moubarac vécut une grande partie de sa vie en France, où il avait obtenu de ses supérieurs de poursuivre ses études. C’est là qu’il devait mûrir en particulier sa vision de l’islam aux côtés de Louis Massignon, dont il devint le secrétaire entre 1950 et 1962, année de la mort du grand théologien. Il devait enseigner en France, notamment à l’Institut catholique de Paris et à l’Université catholique de Louvain. Au Liban, il professera à l’occasion à l’Université de Balamand. Entre 1963 et 1965, il accompagnera le patriarche maronite pendant les sessions du concile Vatican II, avant de se consacrer à son œuvre. Celle-ci, précise Georges Corm, reflète trois aspects majeurs de sa personnalité et de ses inlassables activités : l’historien éclairé des Églises d’Orient, en particulier de l’Église maronite, le promoteur éclairé du dialogue islamo-chrétien et enfin le défenseur ardent des deux causes palestinienne et libanaise face à Israël, bien entendu, mais aussi « face à l’aveuglement de l’Europe et le parti pris des États-Unis ». À de multiples occasion, Youakim Moubarac se verra confier des missions à caractères religieux, culturel ou politique. Youakim Moubarac jouera un rôle-clé dans la convocation et l’organisation du concile de l’Église maronite, terme qui semble plus exact que celui de « synode patriarcal ». Le patriarche lui demande de renter au Liban pour aider à la préparation de cette assemblée. Entre 1985 et 1990, il en établit, avec des rapporteurs choisis par lui, les principaux textes de réflexion. Toutefois, la décision de Jean-Paul II de consacrer une assemblée spéciale du synode des évêques au Liban devait compromettre un projet où il avait investi toute son énergie et toute son espérance. Moubarac devait mourir en 1995, année de la tenue du synode sur le Liban à Rome. Mais de nombreux documents qui viennent d’être lus par le synode patriarcal maronite portent toujours sa marque. L’ouvrage publié comprend un extrait d’une longue introduction qu’il avait écrite pour ce concile en préparation. Ignoré ou oublié En dehors de quelques initiés, peu de Libanais connaissent l’œuvre de Youakim Moubarac. Cet homme d’exception a malheureusement sombré aujourd’hui dans l’oubli. Toutefois, grâce à un cercle d’amis, dans lequel il faut comprendre Georges Corm, cet oubli est en train d’être réparé. Outre la sélection d’articles effectuée par Corm, un ouvrage collectif doit paraître à Paris début 2005, sous la direction de Jean Stassinet, pour mieux faire connaître son œuvre. Georges Corm a connu le père Youakim Moubarac en 1969, au cours d’une conférence sur les chrétiens et la Palestine. Il s’est vite découvert avec lui des affinités et des complicités. Son ouvrage, dit-il, est le fruit de cette amitié, qui se sentait un peu coupable de n’avoir pas assez fait. Son ambition, affirme-t-il, est de « réinstaller Youakim Moubarac comme l’un des plus grands penseurs de la maronité, de la libanité et de l’arabité, et des rapports entre ces trois réalités ». Pour Georges Corm, qui présentera aujourd’hui son ouvrage au Biel, avec Mgr Mounir Khairallah et le Pr Nassif Nassar, « tout le travail d’historien de Youakim Moubarac consistait à faire retrouver à la communauté maronite ses racines antiochiennes, orientales et syriaques ». « Au fond, ajoute Corm, le père Youakim Moubarac pensait que depuis le synode libanais de Loueïzé (1736), l’Église maronite était trop prise en main par les jésuites et le Vatican. Il aspirait, certes dans la plus grande fidélité à Rome, à rétablir l’autocéphalie de l’Église maronite pour qu’elle puisse jouer son rôle de vecteur de la modernité, sans être soumise à un “guidage” permanent de Rome. Dans son esprit, il fallait que le concile maronite précède la réunion de l’assemblée du synode, à Rome, afin que cette dernière porte tout son fruit. Et en un sens, il a eu raison, car le texte final remis au pape, à la fin du synode, manquait de cohérence, de vigueur. Il a ensuite été sauvé par la magnifique exhortation apostolique écrite par le pape. » « Il s’est beaucoup démené pendant la guerre, se souvient Georges Corm. Son rêve était de voir la France prendre fait et cause pour les Palestiniens et le Liban, face aux États-Unis inconditionnellement rangés aux côtés d’Israël. Et la France l’a suivi un moment. L’ambassadeur Louis Delamarre, assassiné à Beyrouth, travaillait un peu dans ce sens. Moubarac, en fait, travaillait pour arrêter le carnage entre les Palestiniens armés et les partis dits chrétiens. Il pensait qu’il s’agissait d’un combat de victimes. Il a écrit une lettre en ce sens à Béchir Gemayel, après son élection. » Corm précise qu’il a fait de son mieux pour faire paraître les textes choisis de Moubarac pas trop longtemps après la tenue du synode patriarcal maronite, dans l’espoir qu’ils aident à la perpétuation du souffle de l’Esprit-Saint qui a animé ses réunions. « J’espère que beaucoup de Libanais liront Youakim Moubarac », conclut-il son entretien avec nous. Fady NOUN (*) Il est impossible, en si peu d’espace, de rendre justice à un esprit aussi brillant et érudit que le père Youakim Moubarac. Ceux qui souhaitent mieux le connaître peuvent participer, aujourd’hui, à la conférence à trois voix qui se tiendra à 18 heures, salle Arthur Rimbaud, en présence de Georges Corm. Ce dernier signera ensuite son ouvrage au stand de la Librairie orientale. |